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Prendre soin des collections patrimoniales durant la pandémie de COVID-19

Cette article a été rédigé avec l'aide de la note des membres du groupe de travail de l'Institut Canadienne de Conservation : Irene Karsten, Janet Kepkiewicz, Simon Lambert, Crystal Maitland et Tom Strang. Contributions supplémentaires de Evelyn Ayre et Roger Baird.

Il n’est ni nécessaire, ni recommandé, de procéder à un traitement de désinfection préventif des collections.

https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservation-preservation/notes-institut-canadien-conservation/soin-collections-patrimoniales-covid19.html#a3

Les établissements de patrimoine culturel font face à de nombreux défis durant cette période de crise. Bien que les collections ne soient pas directement menacées, la pandémie complique leur prise en charge.

 

1. Le virus de la COVID-19 peut-il être transmis par un contact avec des collections ou des surfaces patrimoniales?

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les gens peuvent contracter la COVID-19 en touchant des surfaces ou des objets contaminés, puis en se touchant les yeux, le nez ou la bouche. Étant donné que les objets de collection sont peu manipulés en règle générale et que le virus se désactive naturellement en dehors du corps humain, le risque de transmission est probablement faible.

L'utilisation de gants à donc son importances.

 

2. Combien de temps le virus de la COVID-19 persiste-t-il sur les surfaces?

On a constaté que le virus du SRAS, SARS-CoV, perdait la majeure partie de son pouvoir infectieux en six (6) jours et l'ensemble de son caractère infectieux en neuf (9) jours à la température ambiante. Cette estimation prudente de la persistance, d'une semaine à neuf (9) jours, servira probablement de recommandation jusqu'à ce que d'autres tests du SARS-Cov-2 soient effectués.

La persistance varie selon les caractéristiques du matériel de surface et la présence d'autres contaminants (voir l'encadré). Les surfaces lisses, comme le métal et les plastiques durs, affichent une persistance virale accrue et permettent un transfert accru par rapport aux surfaces poreuses comme le papier et les textiles.

Les conditions environnementales, telles que la température (froid prolonge), l'humidité relative , le pH et la présence de rayonnement UV, ont une incidence sur la persistance des virus sur une surface.

 

3. Les collections ou les matériaux à valeur patrimoniale devraient-ils être désinfectés en raison de la COVID-19?

Il n'est PAS recommandé de désinfecter les collections ou les matériaux à valeur patrimoniale. Les solutions désinfectantes contiennent de l'alcool, de l'eau de Javel ou d'autres produits chimiques susceptibles d'endommager de nombreuses surfaces et matériaux des collections patrimoniales. Consultez toujours un restaurateur professionnel avant de procéder à quelque type de traitement que ce soit.

Pour réduire le risque que des personnes contractent des virus après avoir été en contact avec des objets contaminés, la mise en quarantaine des objets est recommandée. Attendez que le virus se désactive naturellement.

Le lavage des mains ou l'utilisation de gants jetables pourraient être privilégiés pour ceux et celles qui manipulent des objets de collection directement.

 

4. Une personne infectée par la COVID-19 a travaillé dans les espaces alloués aux collections. Que devrions-nous faire?

Interdisez l'accès aux zones utilisées par la personne infectée et augmentez la circulation de l'air. Nettoyer, désinfecter et assainir

Attendez au moins 24 heures avant de nettoyer et de désinfecter toutes les zones auxquelles la personne infectée a eu accès. Si plus de 7 jours se sont écoulés depuis la dernière fois que la personne infectée était présente dans l'immeuble, il n'est pas nécessaire de procéder à un nettoyage et une désinfection supplémentaires.

 

5. Les espaces de travail servant aux collections peuvent-ils être désinfectés en toute sécurité?

Oui, il est possible de désinfecter en toute sécurité les surfaces non patrimoniales — tables, bureaux et étagères — qui sont utilisées pour les travaux liés aux objets de collection et aux documents d'archives. Les surfaces dures fréquemment touchées peuvent nécessiter un nettoyage et une désinfection fréquente. Les surfaces dures sont les plus faciles à désinfecter; ce sont aussi les surfaces sur lesquelles le virus peut persister le plus longtemps et où la concentration de transfert sur la peau est la plus élevée. Les composés désinfectants (alcools, agents oxydants, acides et bases, etc.) et leurs méthodes d'application (pulvérisation humide, essuyage, temps de contact) doivent être adaptés à la surface sur laquelle ils sont appliqués. Testez d'abord et examinez les effets d'une pulvérisation excessive ou d'un égouttage sur les objets de collection situés à proximité.

Les désinfectants sont plus efficaces lorsque la saleté de la surface est éliminée par un nettoyage préalable à la désinfection. Il convient de porter un équipement de protection individuelle pour réduire les risques de contact avec des surfaces contaminées et les solutions désinfectantes.

Utilisez des solutions simples : de l'eau de Javel domestique diluée (les solutions trop concentrées laissent des résidus de chlorure de sodium; voir l'encadré pour de l'information sur la concentration), ou des solutions alcool/eau dont la concentration en alcool est supérieure à 70 % (mélangez 30% d'eau et 70% d'alcool). Bien que des produits commerciaux puissent également être utilisés, les effets des additifs (colorants, parfums, agents moussants, etc.) peuvent être problématiques. Après le temps de contact ou de séchage requis, assurez-vous de bien suivre les instructions de rinçage (généralement un essuyage à l'eau propre). 

 

6. Puis-je utiliser les mêmes protocoles que pour les objets contaminés par de la moisissure?

Non, les virus ont leurs propres propriétés de résistance aux produits chimiques désinfectants. Cela dit, des désinfectants similaires ou à formulation identique peuvent se révéler des plus efficaces contre les moisissures et les virus, notamment les solutions couramment utilisées d'éthanol à 70 % dans l'eau et de l'eau de Javel à l'hypochlorite de sodium diluée de manière appropriée pour les surfaces fréquemment touchées.

Il est important dans tous les cas de tenir compte des temps de contact (qui dépendent de la concentration et du type d'ingrédient actif), ainsi que des surfaces incompatibles pour chaque type de désinfectant. Avant de choisir un désinfectant, il faut tenir compte à la fois du matériel en général et des finitions de surface et procéder à un test.

 

7. Doit-on retirer le matériel à valeur patrimoniale tels les œuvres d'art ou le mobilier des pièces qui doivent être désinfectées?

Dans la plupart des cas, il n'est pas recommandé de retirer les objets des locaux en raison des problèmes liés à la COVID-19. La manipulation et le transport d'objets de collection comportent des risques, et les objets eux-mêmes pourraient être contaminés. Le personnel responsable des collections pourrait être exposé à un risque d'infection. Dans les intérieurs patrimoniaux, certains éléments ne pourront pas être déplacés. L'isolement des espaces contenant des collections ou des finitions à valeur patrimoniale pendant une durée d'une semaine à neuf jours, suivi d'un nettoyage approfondi et régulier, est la méthode privilégiée pour contrôler la propagation du virus. Si un accès plus rapide est nécessaire, il est suggéré d'isoler les locaux pendant 24 heures pour permettre aux aérosols de se déposer, puis de nettoyer et de désinfecter les surfaces non patrimoniales fréquemment touchées en utilisant des méthodes d'application de désinfectant qui peuvent être bien contrôlées, et de nettoyer quotidiennement les finitions patrimoniales susceptibles d'être touchées, telles les rampes ou les poignées de porte. Demander aux nettoyeurs de faire preuve de prudence lorsqu'ils travaillent à proximité de matériaux à valeur patrimoniale. Consultez un restaurateur avant de désinfecter les finitions patrimoniales.

 

8. Notre établissement est fermé jusqu'à nouvel ordre en raison de la pandémie de COVID-19. Comment pouvons-nous assurer la sécurité des collections s'il y a peu ou pas de personnel sur place?

Une grande partie du soin des collections de conservation préventive dépend de la présence régulière du personnel chargé des collections, de la sécurité et des installations. Lorsque cette présence est perturbée, certains risques auxquels sont exposées les collections peuvent augmenter, tandis que d'autres pourraient diminuer.

Une brève introduction à la sécurité en cas de fermeture à long terme

Sécurisez le bâtiment : Assurez-vous que toutes les portes et fenêtres sont correctement fermées et verrouillées. Vérifiez que les systèmes de détection d'intrusion et de protection contre l'incendie fonctionnent correctement.

Sécurisez les objets de valeur : Ne vous limitez pas à la collection, mais pensez aux objets tels que les caisses, les écrans d'ordinateur, les ordinateurs portables et autres équipements électroniques qui pourraient attirer les voleurs.

Sécurisez les documents importants : Veillez à ce que les bureaux soient laissés propres et à ce que tous les documents et renseignements de natures sensible soient placés en lieu sûr.

Sécurisez la collection : Envisagez de remettre en entreposage les objets de collection vulnérables qui se trouvent dans les espaces de travail ou les galeries, si cela est plus sûr. En particulier, pensez aux objets de collection par rapport aux fenêtres et assurez-vous qu'aucun objet de collection n'est vulnérable aux vols par effraction.

Maintenez une présence : Vérifiez quotidiennement le site et le périmètre pour repérer les problèmes et prendre rapidement des mesures correctives. Démontrez que le bâtiment est surveillé en entretenant les allées et l'aménagement paysager.

 

Une sécurité adéquate est essentielle lors d'une fermeture à long terme. Les criminels pourraient profiter de la présence réduite du personnel sur les lieux et le ralentissement économique pourrait motiver un comportement criminel. Veillez à ce que les protocoles de sécurité et les systèmes de surveillance soient maintenus. Documentez toutes les entrées dans l'installation.

Éteindre ou bloquer la lumière dans les espaces alloués aux collections, sauf pour l'éclairage de sécurité, limitera les effets de la lumière et des rayons UV.

Diminuer le taux de renouvellement de l'air lorsque peu ou pas de personnes sont présentes sur le site pourrait permettre de créer un environnement plus stable et moins poussiéreux. Dans les bâtiments plus récents, les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation peuvent probablement être surveillés et réglés à distance. Si des équipements portables, tels que des humidificateurs, sont utilisés pour maintenir les conditions ambiantes, assurez une maintenance continue ou envisagez de les arrêter, en particulier s'ils sont sujets à des dysfonctionnements ou à des fuites. Envisagez de baisser les points de consigne de température de quelques degrés si cela peut être fait sans augmenter le risque de moisissures : une température plus basse ralentit les taux de dégradation, réduit l'activité des parasites et permet d'économiser sur les frais de chauffage.

Les risques liés aux parasites pourraient s'avérer problématiques, surtout lorsque les problèmes chroniques ne sont plus suivis de près. Retirez les aliments des boutiques de cadeaux, des cafés et des bureaux, à moins qu'ils ne soient stockés dans des réfrigérateurs ou des congélateurs fiables et à l'épreuve des rongeurs. Retirez tous les déchets alimentaires et les ordures et placez-les dans des réceptacles extérieurs. Si possible, remplacez les pièges collants avant la fermeture, et tous les mois par la suite s'il est possible d'effectuer des inspections des lieux pour éliminer les insectes morts qui pourraient attirer certains parasites de musées. Vu que les infestations sont fréquentes au printemps, prévoyez une intervention à l'avance.

Passez en revue les tâches d'entretien des bâtiments et assurez-vous que les projets essentiels sont menés à bien. En plus de vérifier le site et le périmètre du bâtiment, effectuez si possible des inspections régulières à l'intérieur du bâtiment, en accordant une attention particulière aux zones préoccupantes, telles que les endroits sujets à des fuites. Il est recommandé d'utiliser une liste de contrôle pour guider ces inspections. Si du personnel autre que celui chargé des collections est responsable des inspections, dispensez une formation virtuelle sur les soins à apporter aux collections, en soulignant les problèmes clés, ou mettez en place un système de rapport et de consultation à distance.

 

9. Si notre établissement connaît une autre urgence, comme un incendie ou une inondation, qui cause des dommages à la collection alors que nous sommes fermés, que devons-nous faire?

Dans tous les cas, une intervention rapide en cas d'urgence peut limiter les dommages aux collections et faciliter les opérations post-catastrophe. L'intervention sera toutefois plus difficile pendant la pandémie de COVID19. Le GASP est là pour vous aider à répondre face à l'urgence et pour obtenir des conseils d'experts.

Certaines mesures peuvent être prises pour réduire la probabilité ou les conséquences négatives d'un autre type d'urgence. Nous recommandons vivement aux établissements de vérifier les portes, les fenêtres et les systèmes d'alarme pour s'assurer qu'ils fonctionnent correctement et d'inspecter régulièrement les installations pendant leur fermeture afin que d'autres urgences puissent être détectées à temps. Éteignez et débranchez les équipements électriques non essentiels. Couvrez les collections avec des bâches en plastique dans les zones sujettes aux fuites. Vidangez la plomberie s'il y a un risque de gel. Pour les établissements situés dans des zones sujettes aux inondations printanières, nous suggérons de déplacer les collections potentiellement à risque dans un endroit à l'abri des inondations avant la fermeture.

Nous encourageons les établissements à revoir et à mettre à jour leurs plans d'intervention en cas d'urgence et à discuter des options d'intervention par visioconférence, par courriel. Il pourrait s'avérer essentiel d'offrir une formation de base si vous devez intégrer de nouvelles personnes dans votre équipe d'intervention en cas d'urgence. Si votre plan dépend de l'obtention de matériel et d'équipement selon les besoins, ou des services d'entrepreneurs externes, vérifiez si ceux-ci seront toujours disponibles. Documentez votre intervention liée à la pandémie, car cette information pourrait être utile si une situation similaire devait se reproduire.

En cas d'urgence, mettez en œuvre votre plan d'intervention du mieux que vous le pouvez. Informez les autorités locales des interventions requises et demandez des directives pour la mise en place de conditions de travail sûres. Utilisez des méthodes permettant de gagner du temps, comme la congélation des matériaux humides, dans la mesure du possible. Faites particulièrement attention aux intervenants, car un stress et une fatigue importants pourraient augmenter les risques d'infection.

 

10. Doit-on nettoyer et désinfecter le bâtiment lors de sa réouverture?

Compte tenu des inquiétudes du public et de la possibilité d'une résurgence du virus, il est prudent d'établir un solide protocole de nettoyage et de désinfection, même si la persistance du virus dans le bâtiment est peu probable en raison de sa fermeture.

 

11. Quel protocole serait acceptable pour la réception des matériaux de collections comme le retour de livres de bibliothèque, les prêts d'artefacts, les spécimens d'histoire naturelle ou de nouvelles acquisitions?

Pendant la fermeture d'un établissement, le fait de retarder les retours et de prolonger les prêts minimisera les risques auxquels sont exposés les artefacts et les gens. Même après la réouverture, isoler les documents entrants afin de laisser le temps à toute contamination virale possible de se dégrader naturellement constitue une mesure de protection prudente. L'application d'un désinfectant ou d'un assainisseur chimique sur le matériel de collection n'est pas recommandée. Jusqu'à présent, des périodes d'isolement prudentes d'une durée de sept à neuf jours ont été recommandées (voir question 2). Dans le cas des collections du patrimoine culturel dont les conditions sont nettement plus sèches ou plus froides, il pourrait être souhaitable de prolonger la période d'isolement (voir question 3).

En fonction de l'espace disponible, la gestion du matériel entrant pourrait nécessiter la mise en place d'une salle d'isolement temporaire, ou au moins d'un espace isolé. Au moment de recevoir le matériel entrant, portez de l'EPI (au minimum des gants) et mettez au point une méthode permettant de savoir à quel moment précis les articles ont été isolés et quand ils seront prêts à être sortis. En fonction des contraintes d'espace et des exigences de réception, le matériel pourrait être déballé avant d'être mis en isolation ou laissé tel quel. Il faut garder à l'esprit que moins de déballage (et donc moins de manipulation) minimise l'exposition du personnel. Il faut soit se débarrasser en toute sécurité des matériaux d'emballage indésirables (en se rappelant de prendre soin de la santé humaine à chaque étape de l'élimination), soit stocker les matériaux d'emballage pendant leur propre période d'isolement avant de les réutiliser.

 

12. Notre expérience de la pandémie de COVID-19 devrait-elle entraîner des changements dans la manière dont nous gérons les objets de collection et les dossiers qui sont régulièrement manipulés par les clients et le personnel?

Pendant une pandémie, la transmission de l'infection pourrait être liée au travail avec les collections des bibliothèques, des archives et des études. Il pourrait être prudent de modifier temporairement les protocoles de retour à l'entreposage et de demande de prêts des clients qui prévoient une période d'isolement entre les utilisations pendant une épidémie ou une résurgence dans votre région. Isolez les articles pendant une période de temps adéquate (voir question 2) dans une zone désignée à cette fin et après la notification de mise en quarantaine. Lorsqu'il n'y a pas d'espace prévu à des fins de mise en quarantaine, retournez les articles à leur lieu d'entreposage permanent et envisagez de les mettre en sac si les articles sont en contact direct avec d'autres articles, par exemple dans des collections d'archives ou de bibliothèque. Dans la mesure du possible, identifiez les articles isolés dans les bases de données des collections et précisez la période d'isolement. Créez des étiquettes qui accompagneront les articles jusqu'à leur entreposage. Les étiquettes doivent comprendre, au minimum, l'identifiant unique de l'objet, la déclaration de mise en quarantaine standard, ainsi que les dates de début et de fin de la période d'isolement. Elles doivent être bien visibles par tout le personnel.

Nettoyez et désinfectez les chariots chaque fois qu'ils sont utilisés pour transporter du matériel potentiellement contaminé. Suivez le protocole d'hygiène des mains ou portez des gants. Nettoyez et désinfectez l'espace de mise en quarantaine (voir questions 5 et 6), s'il est utilisé, avant de l'utiliser à d'autres fins. Intégrer des procédures nouvelles ou actualisées dans la gestion des collections et les plans et procédures d'intervention en cas d'urgence.

La numérisation permet d'accéder en toute sécurité au matériel et aux renseignements des collections pendant une pandémie. L'expérience de la pandémie de COVID-19 pourrait éclairer les stratégies de numérisation afin de rendre plus de documents accessibles, tout en minimisant les risques sanitaires pour le personnel et les visiteurs.